Il s’agit de la deuxième partie d’une série en trois parties sur l’analyse budgétaire et le parcours d’apprentissage du plaidoyer du partenaire de la société civile de l’IBP, Social Justice, en Côte d’Ivoire. La première partie est disponible ici.
Les défis de prestation de services incitent souvent un groupe ou un mouvement de la société civile à s’engager dans le travail budgétaire. Les lacunes dans la prestation de services tels que les soins de santé, l’éducation ou l’assainissement peuvent être des signaux évidents que quelque chose ne va pas ; mais déterminer si le problème fondamental est lié au budget nécessite des aptitudes et des compétences spécifiques.
Prolongement pour l’acquisition de nouvelles compétences
Social Justice Côte d’Ivoire, un groupe de la société civile axé sur la transparence et la bonne gouvernance en Côte d’Ivoire, s’était déjà engagée dans le travail budgétaire – en particulier le suivi budgétaire – et est un partenaire de longue date de l’International Budget Partnership (IBP). En tant que chercheur dans le cadre de l’Enquête sur le Budget Ouvert (EBO), Social Justice Côte d’Ivoire est déjà bien versée dans l’évaluation des composantes du système de redevabilité budgétaire, y compris la disponibilité publique des informations budgétaires; les possibilités pour le public de participer au processus budgétaire; et le rôle des institutions de contrôle formelles, y compris le corps législatif et le bureau national d’audit. Cependant, il est important de noter que c’était la première fois que Social Justice Cote d’Ivoire pratiquait l’analyse budgétaire et qu’aucun autre groupe de la société civile du pays ne s’était lancé dans une telle analyse. L’analyse des données dans le contexte d’un problème spécifique pour arriver à une stratégie de plaidoyer était une lacune qui limitait leur contribution à la politique budgétaire. Dans le cadre de notre partenariat plus ciblé avec Social Justice Côte d’Ivoire dans le cadre du Réseau Afrique Francophone (RAF), nous les avons aidés à affiner leur vision, leur orientation et leurs compétences.

Une fois que Social Justice Côte d’Ivoire a ciblé la question des cantines scolaires insuffisantes ou non fonctionnelles, l’étape suivante consistait à identifier si les défis étaient en fait dus à un problème budgétaire et si le fait de s’engager dans l’écosystème budgétaire était une solution efficace. Les systèmes de finances publiques sont souvent des labyrinthes complexes, tentaculaires et bureaucratiques qui peuvent être difficiles à comprendre et à pénétrer, même pour un groupe expérimenté comme Social Justice Côte d’Ivoire. Combinez cela avec le système unique de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et un processus de prestation de services hautement centralisé et il est facile de voir la complexité de dégager ces couches pour trouver une cause profonde. Mais Social Justice Côte d’Ivoire était déterminée à faire l’analyse pour comprendre pourquoi les cantines scolaires laissaient tomber les enfants de la communauté. Le soutien de l’IBP dans ce domaine comportait deux volets: 1) le renforcement direct des capacités autour de la manière de déterminer s’il y a un problème budgétaire (c.-à-d. mauvaise gestion, manque de ressources, manque d’optimisation des ressources) et 2) par le biais de la subvention de l’IBP, en travaillant avec un ancien fonctionnaire du Ministère des Finances qui a renforcé les capacité à comprendre les processus budgétaires, les documents et les acteurs et parties prenantes concernés.
Ce processus d’apprentissage était essentiel pour Social Justice Cote d’Ivoire non seulement pour analyser un aspect important de la politique sociale en relation avec la politique budgétaire du gouvernement, mais aussi pour mettre en évidence les lacunes dans la prestation de services et faire des propositions constructives d’amélioration. De plus, cet apprentissage profite à l’ensemble du secteur de la société civile car Social Justice Cote d’Ivoire partage son apprentissage et aide à bâtir un cadre de groupes expérimentés dans l’analyse budgétaire.
Est-ce un problème de budget ?
Social Justice Cote d’Ivoire a initialement entrepris d’examiner le secteur de l’éducation nationale car il constitue une partie vitale de la société et un levier stratégique pour le développement durable, en particulier pour l’atteinte d’une éducation de qualité dans le cadre des objectifs de développement durable définis par les Nations Unies. En outre, le ministère de l’éducation nationale dispose du budget le plus important de l’État – environ 17,6% en 2017. Social Justice Cote d’Ivoire souhaitait explorer l’impact du budget du ministère sur les services essentiels dans le secteur de l’éducation.
Pour explorer cette question, Social Justice Cote d’Ivoire a mené une enquête auprès des directions de l’enseignement primaire, des groupes de la société civile intervenant dans l’éducation et des associations de parents d’élèves dans trois régions ciblées afin d’identifier les services importants qui sont sous-financés. Dans l’ensemble, les cantines scolaires sont apparues comme un moyen important pour le maintien des enfants à l’école. Avec une analyse supplémentaire de certains documents budgétaires, Social Justice Cote d’Ivoire a découvert des faits consternants sur les cantines scolaires, notamment : les écoles élémentaires n’ont pas toutes des cantines ; 67 écoles sur 100 n’ont pas de cantine et parmi celles qui en ont, 10% seulement sont fonctionnelles. Selon les personnes interrogées lors de l’enquête, ces problèmes résultent d’un manque de ressources pour leur financement et ont servi de point de départ à l’analyse budgétaire de Social Justice pour aller au cœur du problème budgétaire.
Le début de l’analyse budgétaire
La phase suivante du travail de Social Justice a consisté à élaborer un rapport d’analyse budgétaire en identifiant les localités cibler son analyse et les parties prenantes et les domaines problématiques dont elles auraient besoin pour s’engager dans le processus.
Dans le cadre de son travail de suivi budgétaire, Social Justice Côte d’Ivoire avait mis en place cinq comités de suivi des politiques publiques au niveau local. Elle savait que l’analyse budgétaire devrait inclure les localités ; elle a donc décidé de se concentrer sur trois municipalités où il existait des comités de planification susceptibles de contribuer à la collecte d’informations et au plaidoyer : Bouaflé, Bondoukou et Hiré. De plus, ces localités sont des zones minières et, souvent, l’activité minière peut aider l’État à résoudre certains problèmes sociaux et budgétaires qui peuvent survenir, tant que ces problèmes sont bien documentés et analysés. En effet selon le code minier de 2014, chaque localité abritant une mine en exploitation bénéficie d’un Fonds de Développement Local alimenté par 0,5% du chiffre d’affaires de chacune des entreprises minières en exploitation. Et ce fonds est géré par un comité composé des représentants des autorités locales, des représentants des chefs des villages impactés, des jeunes et des femmes ; ces représentants desdites localités doivent élaborer un Plan de Développement local minier pour réaliser des projets de la communauté. La répartition géographique a également été un élément important à prendre en compte dans le choix des domaines dans lesquels il fallait axer le travail afin de couvrir un champ plus diversifié du défi. Les comités locaux avaient déjà une expérience du suivi budgétaire et du plaidoyer, mais ils ont également reçu une formation supplémentaire en analyse budgétaire locale.
Une fois que Social Justice Cote d’Ivoire a effectué son analyse du budget local pour les trois localités, elle a pu commencer à travailler sur le rapport de haut niveau qui devrait éclairerait sa stratégie de plaidoyer visant à résoudre le problème des cantines scolaires. Ce travail comprenait la réalisation d’une revue documentaire sur l’éducation nationale, les cantines scolaires et le budget de l’État et une phase d’enquête sur le terrain pour des entretiens et des discussions. S’appuyant sur la formation de l’IBP et d’autres partenaires, Social Justice Cote d’Ivoire a pu extraire des données statistiques, les traiter et les analyser et tirer des conclusions pour formuler son rapport final d’analyse budgétaire.
Social Justice Côte d’Ivoire savait que les enfants du pays étaient confrontés à un problème de manque de cantines scolaires en nombre suffisant et opérationnels et est passé du suivi budgétaire à l’analyse budgétaire pour aller au cœur du problème. S’embarquant dans un parcours d’apprentissage avec l’IBP et d’autres partenaires, elle a pu impliquer les parties prenantes et analyser les lacunes affectant cette infrastructure essentielle pour aider les enfants à rester à l’école.
Dans le troisième et dernier article de cette série, apprenez-en davantage sur ce que Social Justice Cote d’Ivoire a découvert dans son analyse budgétaire et comment elle a sensibilisé le public à la question des cantines scolaires.
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