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Les organismes de surveillance indépendants ont une tâche difficile concernant la surveillance de la viabilité des finances publiques. Bien que les gouvernements justifient souvent les importants déficits budgétaires actuels en fonction des attentes d’un avenir plus brillant, ils expliquent rarement au public tous les détails qui sous-tendent leurs décisions. Il faut souvent interpréter les décisions changeantes, les énoncés de politique vagues, les données limitées ou incohérentes et les prévisions trop optimistes pour donner un sens à ce qui se passe réellement. Ce problème est encore plus prononcé dans les pays où la gouvernance est faible, où les gouvernements sont plus enclins à conserver leur monopole sur l’information.

Prenons un exemple précis. La Mongolie — qui enregistre un score de 51 pour l’Indice du budget ouvert — a un connu des cycles d’expansion et de ralentissement. Le pays a récemment été obligé de se tourner vers un plan de sauvetage du FMI pour survivre après avoir été confronté à la faillite pour la deuxième fois en huit ans. En dépit de la mise en place d’une règlementation fiscale et d’un engagement en faveur de la viabilité budgétaire, les attentes excessivement optimistes des recettes des nouvelles mines de cuivre et d’or ont amené le gouvernement à dépenser des fonds qui ne se sont pas concrétisés.
Les enjeux de la surveillance de la viabilité des finances publiques
La Mongolie est loin d’être un cas unique. Des dizaines de pays dans le monde sont confrontés à des problèmes du même type. Pourtant, les organisations de la société civile (OSC) qui visent à surveiller la viabilité budgétaire sont dans une position difficile : la modélisation macro-budgétaire nécessaire pour effectuer des analyses indépendantes peut être extrêmement complexe, surtout en l’absence d’informations solides.
Pour cette raison, le Natural Resource Government Institute [Institut gouvernemental des ressources naturelles], en coopération avec le partenaire de l’IBP, le Fiscal Responsibility Institute Budapest [Institut de Budapest pour la responsabilité fiscale], a lancé un projet visant à créer un outil pour aider à résoudre ces types d’analyses. L’outil, expérimenté pour la première fois en Mongolie, présente un certain nombre de caractéristiques innovantes qui le rendent particulièrement adapté aux acteurs de la surveillance des finances publiques à l’échelle mondiale.
Comment fonctionne l’outil
L’outil établit un scénario économique de référence dans un pays donné, ainsi que la trajectoire des finances publiques sur un horizon de 30 ans. Dans un premier temps, ce scénario de référence peut être utilisé pour évaluer si les politiques actuelles sont durables sur le long terme. Dans un second temps, les utilisateurs peuvent utiliser l’analyse de référence pour évaluer l’impact que les chocs externes ou les changements de politiques sont susceptibles d’avoir sur la viabilité budgétaire sur le long terme.
Il est composé de trois parties distinctes :
- Un modèle macroéconomique : Le modèle macroéconomique de l’outil est bien adapté aux pays où la disponibilité des données est plus limitée ou incomplète. Il utilise les principes économiques normalisés pour déterminer les variables clés telles que le PIB, la consommation privée et gouvernementale, les investissements, les exportations, les importations, l’inflation, le taux de change, le taux d’intérêt, le nombre et le salaire moyen des employés du secteur privé.
- Un volet fiscal : Ce volet comprend dix catégories de revenus, six types de dépenses et quatre instruments différents pour financer la dette publique. Il modélise les données budgétaires que les organismes de surveillance des finances publiques indépendants connaissent le mieux. Ce volet peut être utilisé avec souplesse, il est facile à mettre à jour, et les données peuvent être agrégées ou désagrégées en indicateurs adaptés au problème de politique budgétaire en question.
- Un volet sur le secteur minier : Ce volet aide les utilisateurs à évaluer la ramification économique d’un mégaprojet particulier, ou un développement économique non conventionnel, en approfondissant un secteur ou un enjeu particulier. Dans le cas de la Mongolie, il s’agissait du secteur minier, où les finances de cinq grandes mines ont été modélisées de manière ascendante. Ce volet, peut en revanche être également adapté pour saisir les développements d’une découverte de pétrole, d’un projet d’infrastructure majeur, d’une modification des prix des denrées alimentaires ou d’un essor touristique. En intégrant des estimations sectorielles détaillées dans le modèle, les acteurs de la surveillance peuvent aussi remettre en question les hypothèses du gouvernement dans ce domaine.

L’utilisation de l’outil exige des données et un organisme de surveillance d’investigation prêt à découvrir les tenants et les aboutissants de la façon dont le budget fonctionne. Mais une fois qu’il est opérationnel, il permet aux OSC de s’engager dans des débats complexes et fondés sur des données probantes sur la politique budgétaire. Les organismes de surveillance indépendants peuvent utiliser l’outil pour examiner les propositions budgétaires présentées par le gouvernement et d’autres acteurs, détecter les incohérences graves dans les données et les prévisions officielles, examiner différentes options de dépenses et de recettes, évaluer les risques budgétaires, explorer les moyens de se préparer à la diminution des richesses, et contrôler si un ensemble de règles fiscales sont susceptibles d’être respectées.
Renforcer l’adaptabilité
Bien que de nombreuses ressources de modélisation macroéconomique nécessitent une formation approfondie et des logiciels coûteux à exécuter, nous avons délibérément conçu cet outil afin qu’il soit facile à utiliser, accessible et adaptable à différents contextes. Nous avons utilisé un programme puissant appelé Matlab pour construire le modèle macroéconomique sous-jacent, mais nous ont publié la version finale dans Microsoft Excel. Nous avons également produit une documentation détaillée sur les hypothèses économiques soutenant l’outil, ainsi qu’un manuel présentant son mode d’emploi. Toutes ces ressources sont disponibles gratuitement pour téléchargement et réadaptation ici.
L’outil s’est d’ores et déjà avéré très utile en Mongolie. Nous avons organisé un atelier de formation de deux jours avec plus de 20 participants provenant du gouvernement, de la société civile, du milieu universitaire et du secteur privé. L’atelier a été suivi d’une table ronde visant à discuter des options politiques permettant d’éviter une crise économique avec des représentants de haut niveau du gouvernement et des institutions internationales. En collaboration avec nos partenaires locaux, nous surveillerons comment le nouveau programme du FMI sera déployé.
L’outil est disponible sous licence libre d’utilisation ici. Toutes les questions et tous les commentaires sur le modèle sont les bienvenus. Nous souhaiterions particulièrement recevoir la rétroaction des organismes de surveillance budgétaire qui souhaitent appliquer l’outil dans d’autres pays.
Contacter les auteurs
David Mihalyi
Analyste économique, Natural Resource Governance Institute
[email protected]
Balazs Romhanyi
Directeur, Fiscal Responsibility Institute Budapest
[email protected]
Daniel Baksa
Économiste principal, Fiscal Responsibility Institute Budapest, Central European University, et Centre for Economic and Regional Studies of the Hungarian Academy of Sciences
[email protected]
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