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Les défenseurs de la gouvernance ouverte se sont rendu compte que la promotion d’une gouvernance plus inclusive et responsable nécessite un engagement beaucoup plus fort dans les politiques. En tant que communauté, les promoteurs de la transparence de la gouvernance ont souvent cherché des raccourcis autour du désordre de la dynamique politique. Ils ont peut-être compris la nécessité d’aborder la politique, mais ont lutté pour adapter leurs outils et leurs méthodes. Pourtant, il existe un nombre croissant de preuves qui montrent que les initiatives qui ne tiennent pas compte des dimensions politiques de ce travail n’ont pas été aussi efficaces qu’elles auraient pu l’être.
Prenons par exemple, l’Open Government Partnership (OGP), l’initiative phare de la communauté en faveur de la transparence de la gouvernance. Bien que l’OGP ait connu une expansion rapide et que les gouvernements participants se sont engagés et ont mené des centaines d’actions, des questions sont actuellement soulevées sur les impacts réels sur le terrain. Un défi important que l’initiative relève l’écart entre les apports et les processus de l’OGP et la dynamique politique réelle de la réforme dans les pays membres. En particulier, il semble y avoir un décalage important entre les discussions et les progrès réalisés dans le cadre de l’OGP et les initiatives internationales du même type, ainsi que les demandes de plus en plus audacieuses de changement exprimées par les citoyens dans bon nombre de ces mêmes pays. L’OGP n’est en aucun cas seul. Même les projets sur la transparence de la gouvernance qui sont explicitement mis en place pour faire participer les citoyens ont souvent été limités, circonscris et apolitiques. Ils n’ont généralement eu que peu d’impact.
Compte tenu de ces limites, la nécessité de s’engager davantage dans la politique est évidente. Mais que signifie le fait « d’intégrer la politique » dans le discours et la pratique de la gouvernance transparente ?
Il s’agit principalement d’une question de pouvoir
Nous devons faire des progrès pour reconnaître que la pauvreté et les inégalités persistantes sont profondément ancrées dans des relations de pouvoir inégales et pérennisées par le statut quo des systèmes de gouvernance. Une gouvernance plus inclusive et efficace signifie que des mesures significatives doivent être prises pour parcourir et reformuler les politiques. Selon les termes de Daron Acemoglu et James Robinson, auteurs du livre intitulé Why Nations Fail:
« Pour que les institutions soient plus inclusives, il convient de changer les politiques d’une société afin de donner le pouvoir aux pauvres, c’est-à-dire l’autonomisation des personnes privées de leurs droits, exclues et souvent réprimées par les monopoles. »
Et c’est justement ce que beaucoup d’ONG tentent de faire : défier les systèmes inéquitables et poursuivre la justice sociale. Mais est-ce que notre travail consiste à réorganiser les relations de pouvoir ? Est-ce que notre travail donne aux populations pauvres et marginalisées les moyens de défier les politiques d’exclusion ? Ou essayons-nous d’obtenir les politiques et les résultats adaptés sans remodeler la politique qui les détermine ?
Apporter la politique sur le terrain
Le fait que la politique – et donc la gouvernance, et donc le développement – doit être plus inclusive signifie qu’il faut renforcer le pouvoir compensateur de ceux qui sont exclus. Une équipe dirigée par John Gaventa de l’Institute of Development Studies a examiné 100 études de cas sur les initiatives de participation des citoyens afin de mieux comprendre comment elles peuvent contribuer à une politique plus inclusive, une meilleure gouvernance et de meilleurs résultats de développement. Leurs conclusions sont révélatrices : les progrès réalisés vers des politiques plus inclusives sont le plus souvent accomplis par des organisations et des mouvements axés sur les citoyens, et non pas par les campagnes de plaidoyer menées par des ONG professionnelles. En d’autres termes, les organisations et les mouvements créés et dirigés par les citoyens renforcent et mettent à profit leurs capacités d’autonomisation et d’action permettant de remodeler les politiques, et pas seulement la politique.

De telles associations d’adhérents comprennent les coopératives rurales, les fédérations d’épargne pour les femmes, les sociétés religieuses et les syndicats, entre autres. Les manifestations de masse sont les évènements les plus visibles de l’action collective citoyenne, mais il ne s’agit que d’une stratégie parmi d’autres, qui n’entraîne pas toujours un impact à long terme : la mobilisation n’est pas synonyme d’organisation et des mouvements plus durables dirigés par les citoyens sont nécessaires pour édifier une gouvernance inclusive depuis la base.
Ce constat est un défi direct pour les ONG professionnelles qui poursuivent seules des stratégies de changement direct. Lucia Nader, membre de l‘Open Society Foundations, a souligné la nécessité d’organisations « solides » qui peuvent s’adapter à des mobilisations plus « fluides » et changer la dynamique. Les ONG internationales, en particulier, ont été interrogées sur leur modèle de poursuite de changement. Une nouvelle logique commence d’ores et déjà à voir le jour, mais ce processus doit s’accélérer pour assurer que les ONG utilisent leurs ressources de la manière la plus stratégique possible.
Mais qu’est-ce que cela signifie dans la pratique ? Comment pouvons-nous combler cet écart et faire en sorte que les organisations, aussi bien les ONG que les groupes populaires, travaillent dans le but d’atteindre des objectifs communs ?
Mise en place de coalitions pour susciter le changement
Cela ne signifie pas que les ONG ne peuvent pas jouer et ne jouent pas un rôle important dans la conduite du changement social. À bien des égards, les ONG peuvent aider les mouvements populaires à faire campagne pour un changement durable. Il existe dans le monde de nombreux exemples où les ONG travaillant avec des organisations et des mouvements populaires.
- Au Ghana, l’ONG Africa Centre for Energy Policy [Centre africain pour la politique énergétique] a collaboré avec la Peasant Farmers Association [Association des agriculteurs paysans] du Ghana pour assurer que les recettes pétrolières soient consacrées au développement rural.
- En Inde, SATHI, partenaire de l’IBP, soutient une campagne sur le budget de la santé qui s’appuie sur le soutien des groupes d’analyse budgétaire et du Mouvement pour la santé du peuple afin d’exiger une augmentation substantielle des ressources publiques pour la santé.
- Aux Philippines, Government Watch a organisé et soutenu des groupes de scouts garçons et filles pour surveiller et signaler les livraisons de manuels dans leurs écoles.
- Au Malawi, l’ONG JASS soutient les groupes de femmes vivant avec le VIH/sida afin qu’elles s’organisent, forment une coalition plus large et obligent le gouvernement à fournir des médicaments antirétroviraux plus efficaces.
- En Afrique du Sud, l’IBP a renforcé les capacités budgétaires et les autres capacités du groupe de défense Social Justice Coalition, pour soutenir sa campagne en faveur de l’amélioration des installations sanitaires dans les communautés à faible revenu du Cap.
Ces exemples sont tous différents mais ont tous un point commun, à savoir tirer parti des capacités et des approches complémentaires. Il subsiste bien évidemment de nombreux défis et de nombreuses questions liés à ce type d’engagements. Il est difficile d’instaurer et de maintenir la confiance, et de trouver une approche mutuellement acceptable pour s’engager avec les gouvernements. Pourtant, il est de plus en plus manifeste que si nous voulons contribuer à une gouvernance et à un développement plus inclusifs, nous devons mieux exploiter l’action collective et la mobilisation des citoyens. Les organisations d’adhérents et les mouvements sociaux sont peut-être les meilleurs alliés pour y parvenir.
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