Au-delà des listes de souhaits : Une délibération budgétaire et non pas une participation vide de sens

Apr 27, 2016 | Budget Transparency, Citizen participation | 0 comments

par <a href="https://archive.internationalbudget.org/budget-work-by-country/ibps-work-in-countries/kenya/" target="_blank">Jason Lakin, IBP Kenya</a>

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Je me trouvais récemment dans une réunion avec un dirigeant de l’un des comtés du Kenya dont le motto était l’Incendie, les catastrophes et la participation du public. Le fait d’apparier la « participation » avec les « catastrophes » a suscité quelques rires de la salle et semblait soulever l’attention sur la participation des nombreux représentants du gouvernement du Kenya. En effet, au Kenya, la majorité de la population pense que le concept de la participation du public est suspect. Les hommes politiques au pouvoir la considèrent comme une arme que l’opposition utilise, les gouvernements comme un mandat illégitime, le public comme une imposture symbolique. Alors que tout un chacun souhaite participer, personne ne se réjouit de la participation.

La participation du public est inscrite dans la Constitution kenyane de 2010 et les débats sur sa signification dans la pratique ont été nombreux, en particulier sur les questions budgétaires. Mais les Kenyans ne sont pas seuls à rechercher un moyen de participation au budget qui satisfasse à la fois le gouvernement et le public. Dans le monde entier, la manière de rendre efficace la participation publique suscite un intérêt croissant.

Pourquoi est-il si difficile de mettre en place une bonne participation ?

Credit: Flickr / USAID
Credit: Flickr / USAID

Ma collègue Mokeira Nyagaka et moi-même avons récemment publié un article qui prône une manière différente de penser à la participation aux finances publiques, sur la base des défis émergents observés au Kenya. Nous faisons valoir que l’expression « participation publique » a perdu son sens dans le contexte de l’élaboration du budget, et qu’une norme plus élevée est nécessaire si le budget doit tenir ses promesses. La norme que nous présentons est la délibération publique. Cela peut sembler être un tour de passe passe linguistique, mais nous nous efforçons de démontrer que la délibération publique offre en réalité davantage d’orientations concrètes sur la manière dont les documents budgétaires et les débats doivent être structurés.

Le concept de la délibération budgétaire

Notre conception de la délibération publique est enracinée dans les théories de la démocratie délibérative et de la philosophie morale. Ces traditions mettent la justification publique au cœur de la gouvernance moderne. La prise de décision est soi disant un raisonnement public sur des choix. Un processus délibératif commence par une proposition du gouvernement qui est justifié en fonction des intérêts publics (plutôt que privés). Une telle justification doit être considérée comme une justification raisonnable (enracinée dans des raisons plausibles) même quand les autres sont en désaccord, et doit être sujette au changement grâce au débat. Ces idées se dégagent des ouvrages des philosophes tels que John Rawls et Amartya Sen, qui ont défini le caractère raisonnable par rapport à ce que nous croyons lorsque nous mettons nos intérêts de côté, ou ce qu’un observateur impartial sans enjeu dans une décision trouverait raisonnable

Cette école de pensée suggère que les dirigeants ne sont pas chargés de faire de « bons » choix, mais qu’ils sont responsables de la qualité des raisons qu’ils avancent.  Le public doit également se prononcer sur ces raisons avec une largesse d’esprit et proposer des raisons alternatives, et pas seulement des choix alternatifs, lorsqu’il est en désaccord.

Participation vs. délibération

Ces exigences peuvent sembler simples, mais les nombreux exercices de participation publique sont loin de les atteindre. Imaginons un scénario bien connu au Kenya. Les membres du public sont conviés à participer à une grande réunion publique. Ils ont peu ou pas de données ou d’informations sur les propositions du gouvernement, mais sont invités à produire des listes de « projets » qu’ils souhaiteraient voir appliquer dans leur vie quotidienne ou dans leur comté. Le gouvernement dresse la liste des projets proposés dans le comté, puis sélectionne ceux qu’il a l’intention de mettre en œuvre. Au mieux certains des projets préférés par le public deviendront des documents de planification, et certains d’entre eux, à leur tour, seront inclus dans le budget annuel.

De telles situations sont considérées comme un succès par les normes actuelles de la participation du public – la contribution du public a été prise en compte et a influencé les décisions de dépenses du gouvernement. En revanche, elles ne répondent pas aux normes de la délibération publique. Pourquoi ?

Premièrement, l’exercice n’a pas commencé avec une proposition gouvernementale raisonnée ou un ensemble d’options, ce qui signifie que le public n’a pas donné son opinion sur la base d’une position éclairée. En l’absence de contrainte budgétaire et / ou d’une série d’objectifs, la participation du public est limitée pour dresser une liste de propositions et ne facilite pas une prise de décision budgétaire motivée.

Deuxièmement, les membres du public n’ont pas été invités à donner ou à débattre des raisons de leurs propres propositions, de sorte que celles-ci n’ont pas été sélectionnées pour leur caractère raisonnable. Même si le public a participé, il n’a pas correctement délibéré sur ou réfléchi aux mérites relatifs des différentes propositions.

Troisièmement, pendant la préparation du plan ou du budget, le gouvernement a inévitablement accepté certaines, mais pas toutes les propositions publiques. Les propositions ont-elles été acceptées ou rejetées en fonction de leur valeur intrinsèque, des contraintes en matière de ressources, ou pour d’autres raisons ? À moins que des motifs n’aient été donnés, ce processus ne peut pas être appelé un processus de délibération. Il est fréquent pour le gouvernement kenyan d’affirmer que les plans et les budgets ont été documentés par la participation du public ; il est extrêmement rare pour eux d’expliquer pourquoi seules certaines contributions publiques ont été finalement prises en compte.

Tout cela s’ajoute à un processus qui n’a pas la valeur éducative de la délibération, qui exposerait les personnes à faires des compromis pour des raisons concurrentes, et qui assurerait que les propres préférences du public soient soumises à un débat et évaluées par rapport à l’intérêt public. Mais la plus grande perte porte sur la légitimité du gouvernement. Les gouvernements démocratiques ne peuvent fonder leur légitimité que grâce à large soutien en faveur de leurs politiques. La délibération publique offre la possibilité de fonder les politiques publiques sur des raisons que le public peut désapprouver, mais qu’il respectera au final. Les décisions qui découlent des processus ouverts et qui sont fondées sur des raisons acceptables peuvent réduire la perception de la nature arbitraire des décisions du gouvernement et encourager le soutien en faveur de l’administration publique. Comme cela se fait actuellement au Kenya, la participation du public n’inspire pas la confiance dans les décisions gouvernementales et ne transforme pas l’opinion publique en public averti. La délibération publique – ainsi que les normes et les pratiques qu’elle nécessite – peut contribuer à réaliser les deux.

Lectures complémentaires

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